30/10/11

"Les grandes étapes de la pensée anthropologique sur le droit" Sciences Po 13 janv. 2012

Les grandes étapes de la pensée anthropologique sur le droit, première rencontre d’anthropologie du droit de l’Ecole de droit de Sciences Po, 13 janvier 2012, Salle Georges Lavau, CEVIPOF - 98 rue de l’Université 75007 Paris

L’idée de ce colloque est de mettre en lumière la portée anthropologique de l’œuvre de certains auteurs et d’en déterminer l’apport pour l’intelligence du droit. La recherche est ainsi faite que la collecte de données ethnographiques n’existe jamais pour elle-même et que partout et toujours elle est déterminée par des représentations qui constituent déjà une mise en ordre du réel. C’est dans la mesure où la dynamique de l’intelligence de la part juridique de l’humain passe par la projection de conceptions préalables que certains auteurs et certaines pensées jouent un rôle cognitif concret dans la production des connaissances. Ces premières rencontres seront consacrées à un certain nombre d’auteurs et de thèmes considérés pour leur rôle déterminant dans la vie de la pensée.
Il est ainsi demandé à chacun d’amener littéralement son auteur fétiche dans la mesure où il a inspiré hier et aujourd’hui la réflexion sur la nature juridique de l’ordonnancement des rapports humains.
Ces auteurs sont bien connus – certains sont canoniques – mais ils sont pour la plupart identifiés dans des domaines spécifiques du savoir (histoire, sociologie, philosophie, droit positif…). C’est ainsi dans le souci de mettre en lumière les sources de la recherche anthropologique actuelle que sera agencée cette évocation de la genèse de pensées diverses qui ont en commun d’influencer la constitution d’une anthropologie du droit entendue au sens large, comme l’horizon d’une appréhension globalisante de l’ordre du droit dans l’ordre social et culturel. (Louis Assier-Andrieu - CNRS – CEE Ecole de droit de Sciences Po)

26/10/11

"Lerminier", dans "Corpus. Revue de philosophie"

"Lerminier", dans Corpus. Revue de philosophie, mis en oeuvre par Georges Navet, n° 60,  2011, 192 p.

Georges NAVET — Présentation — pp. 5-8
Frédéric AUDREN — Eugène Lerminier saint-simonien ou la nationalisation de la science juridique — pp. 9-34
Alejandro HERRERO — Lerminier et sa réception dans le Rio de la Plata — pp. 35-48
Mercedes BETRIA — Ouvrir Alberdi: une nouvelle conception du droit pour penser la politique — pp. 49-74
Patrice VERMEREN — L'ambitieux Lerminier? — pp. 75-96
Georges NAVET — Lerminier et les révolutions — pp. 97-118

"Droit administratif" de Jean Rivero (réimpr. éd. 1960)

Jean Rivero, Droit administratif (réimpression de la 1re édition de 1960), Paris, Dalloz (Bibliothèque Dalloz), 2011, 550 p. [ISBN : 978-2-247-10992-0]

Présentation par l'éditeur. Le droit administratif ne peut remplir sa fonction sociale que s'il est intelligible et connaissable ; ceci exige, contre l'existentialisme juridique et malgré les difficultés de la tâche, la poursuite des efforts pour l'organiser de façon systématique. Mais il n'est nullement nécessaire de procéder à cette systématisation à partir d'une notion unique ; dans aucune autre branche du droit, on n'a tenté cette réduction à l'unité ; c'est autour de plusieurs idées maîtresses, et non d'une seule, que le droit civil, le droit commercial, le droit du travail, sont parvenus au haut degré d'organisation scientifique qui est le leur. Si le droit administratif s'est orienté dans une autre voie, ce n'est pas en vertu d'une nécessité logique, c'est parce que le problème théorique de son élaboration s'est confondu avec le problème pratique de la compétence du juge administratif : on souhaitait, pour déterminer cette compétence, un principe unique, ce qui eût simplifié la tâche des plaideurs ; on a été conduit à chercher, par là même, une notion-clef rendant compte de toutes les particularités du droit administratif.
 Or, ces particularités paraissent ressortir à deux ordres d'idées opposés. D'une part, les règles du droit administratif se différencient des règles du droit privé en ce qu'elles confèrent aux organes publics des pouvoirs qui ne sauraient exister dans les rapports entre particuliers : c'est l'ensemble des prérogatives de puissance publique.
Mais à l'opposé, le droit administratif impose souvent, à l'administration, des obligations beaucoup plus strictes que celles que le droit privé fait peser sur les particuliers (...). On pourrait multiplier les exemples de ces dérogations au droit commun qui font l'administration, non plus puissante, mais plus liée que les particuliers entre eux. Jean Rivero

22/10/11

"Concurrence des contrôles et rivalité des juges" Reims colloque 18 novembre 2011

Concurrence des contrôles et rivalité des juges - Reims 18 novembre 2011
Faculté de droit et de science politique de l’Université de Reims - amphi 10
Colloque organisé par le Pr Julien Boudon au nom du CEJESCO (JE 1978)

L’Etat et ses élites - séminaire CERAL - Université de Paris 13

L’Etat et ses élites - séminaire
CERAL - Université de Paris 13 - coordonné par Pierre-Yves Baudot, Pierre Bonin et Anne Revillard.

Ce séminaire pluridisciplinaire entend ouvrir un dialogue entre plusieurs courants de recherche actuels portant sur les élites de l’Etat, à partir de perspectives issues notamment de la sociologie, de la science politique et de l’histoire du droit. Il s’agira de revisiter la question classique de la « fabrique » des élites à partir de l’étude de la formation de ces dernières, mais aussi des processus plus informels de socialisation, et de l’incidence des politiques publiques prenant ce groupe pour objet (réformes de la haute fonction publique). Les dynamiques spécifiques aux différents groupes élitaires seront approchées à partir de focales sur différents corps ou secteurs (les préfets, les élites judiciaires…). Enfin, une attention particulière sera portée aux conflits, divisions et hiérarchies sociales internes aux élites, par-delà l’homogénéité de classe, notamment à partir d’une prise en considération du genre comme rapport social diviseur et hiérarchisant au sein de la haute administration.A l’heure où la pertinence du modèle étatique fait de plus en plus problème pour penser le pouvoir, sans qu’un autre paradigme ne se soit encore imposé, ces différents éclairages visent à mettre en lumière les implicites actuels de l’approche des élites publiques.
Le séminaire se réunit de 14 à 17 h en salle T 204 (bâtiment IUT, 99, avenue J.B. Clément 93430 Villetaneuse). Il est ouvert à toutes les personnes intéressées. Contact : ceral@univ-paris13.fr ; ou sur http://www.univ-paris13.fr/ceral/

Programme
Séance 1 - Mardi 4 octobre 2011 : Introduction
Robert ETIEN (Doyen de la faculté de droit de Paris 13, Directeur du CERAL) : L'Etat et ses élites : rapport introductif, considérations générales sur la théorie des élites.
Séance 2 – Mardi 15 novembre 2011 : Les élites et le droit
Nader HAKIM (Professeur d’histoire du droit, Bordeaux IV/CAHD) : Les élites, l’enseignement du droit et la démocratie à la Belle époque.
Liora ISRAEL (Maîtresse de conférences en sociologie, EHESS/CMH) et Rachel VANNEUVILLE (Chargée de recherche, CNRS/Triangle) : Présentation de l’ANR « Elidroit : La formation au droit des élites du privé et du public depuis 1958. Quels savoirs juridiques pour quels modes de gouvernement ? ».
Séance 3 – Mardi 6 décembre 2011 : Les préfets
Catherine LECOMTE (Professeur d’histoire du droit, Doyen honoraire de la Faculté de droit, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) : Honneurs, vanités, compétences : les préfets au XIXe siècle.
Gildas TANGUY (Maître de conférences en science politique, Science po Toulouse/LaSSP) : Des hauts fonctionnaires au service de l'Etat ou du pouvoir ? Ce que peut nous enseigner une approche socio-historique des élites.
Séance 4 – Mardi 7 février 2012 : Genre et haute fonction publique
Alban JACQUEMART et Fanny LE MANCQ (post-doctorants en sociologie, CMH) : Enquêter sur le plafond de verre dans la haute administration.
Odile JOIN-LAMBERT (Chercheuse, IRES/CMH) : Les inégalités de carrière entre hommes et femmes. Le cas du ministère de la Culture.
Séance 5 – Mardi 6 mars 2012 : Accéder à la haute fonction publique
Claire OGER (Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, Paris 13/LabSic) : Modèles discursifs et cultures de milieux dans la haute fonction publique : l'apprentissage de l'autorité ?
Hélène MICHEL (Professeure en science politique, Strasbourg/GSPE) : Devenir européen au prix d'une dé-nationalisation? Processus de socialisation au milieu communautaire.
Séance 6 – Jeudi 22 mars 2012 : Les réformes de la haute fonction publique
Natacha GALLY (Doctorante en science politique, Paris II/CEE) : Les hauts fonctionnaires et l'Etat managérial. Politiques de la haute fonction publique et transformations du marché des hauts fonctionnaires en France et en Grande-Bretagne.
Julie GERVAIS (Maîtresse de conférences en science politique, Paris I/CESSP) : L'élite de l'administration et la réforme de l'Etat.
Séance 7 – Mardi 3 avril 2012 : Les élites de la justice
Elie HADDAD (Chargé de recherche en histoire moderne, CRH/EHESS) : Les difficiles stratégies de domination de la noblesse de robe parisienne sous l'Ancien Régime.
Paolo ALVAZZI del FRATE (Professeur d’histoire du droit public, Rome III/Dipartimento di Storia e Teoria generale del Diritto) : Hiérarchie et indépendance des magistrats au XXe siècle : une comparaison entre France et Italie.

programme

"Le privilège dans la modernité politique" séminaires EHESS

Le privilège dans la modernité politique - séminaire de l'EHESS - Paris
coordonné par Fanny Cosandey (maître de conférences à l'EHESS) et Pierre Bonin (professeur d’histoire du droit à l’Ecole de droit de la Sorbonne-Université Paris I)

1er, 3e et 5e jeudis du mois de 17 h à 19 h (salle 7, 105 bd Raspail 75006 Paris)
du 17 novembre 2011 au 31 mai 2012

Les ressorts de la modernité politique seront cette année examinés sous l’angle du privilège. En tant que valeur déterminante de l’Ancien Régime, et rejetée en même temps que celui-ci au nom de l’égalité, cette notion apparaît comme consubstantielle au régime monarchique. Obstacle à la toute puissance ou instrument du pouvoir, le privilège interroge le rapport de l’exception aux grands principes structurants. Il participe de l’essence des ordres, des corps et des personnes dont il fixe le statut, sans que leurs relations ne soient pensées sur le mode de la conventionalité. C'est ainsi toute la question de la loi générale mise à l'épreuve des adaptations individuelles, corporatives ou communautaires, qui peut être soulevée. D'autant que les privilèges, pour être formulés, doivent prendre la forme d’actes de pouvoir, au point d’être parfois présentés comme une source du droit. Et leurs confrontations aboutissent au recours à la décision royale, dont la légitimité est justement de rendre à chacun ce qui lui est dû, et donc de tenir compte des particularismes. Dès lors, la notion introduit au coeur du paradoxe de l’absolutisme, qui peut se voir comme la capacité du roi à soustraire les corps de sa propre loi alors même que la puissance législatrice est la manifestation par excellence de la puissance royale. À partir de la période moderne, dans un échange entre juristes et historiens, le séminaire ouvrira le dialogue vers d'autres temps et avec d'autres disciplines. 
contact : cosandey@ehess.fr, Pierre.Bonin@univ-paris1.fr

17 novembre Fanny Cosandey et Pierre Bonin, « Du privilège à la loi générale ».
1er décembre Soazick Kernéis, « Lois barbares, lois particulières dans l’Antiquité tardive ».
5 janvier Robert Descimon, « Privilège, analyse sémantique ».
19 janvier Mathieu Marraud, « Bien public et bien particulier : le privilège et les corps marchands, Paris XVIIe-XVIIIe siècles ». 
2 février Valérie Piétri, « La défense des privilèges en Provence : autour de la preuve de noblesse (XVIIe-XVIIIe siècles) ». 16 février Pavel Ouvarov, « Les privilèges universitaires en France au XVIe siècle : le droit, les pratiques, les métaphores ».
1er mars Nicolas Warembourg, « Les privilèges de l’imbecillitas sexus : à propos de la dot et de l'hypothèque de la femme mariée à l'époque absolutiste ».
15 mars Yann-Arzel Durelle-Marc, « La résurrection des privilèges de vanité : titres de noblesse impériale et légion d'honneur ».
29 mars Anne Verjus, « La puissance paternelle : privilège de la République ? ».
5 avril Paolo Alvazzi del Frate, « Privilèges et individualisme au XIXe siècle : considérations historico-juridiques ».
3 mai Hilary Bernstein, « Les origines en concurrence : les traditions de l’histoire locale et les privilèges urbains depuis l’ère gallo-romaine jusqu’à la monarchie administrative ». 31 mai François Jankowiak, « Les privilèges des cardinaux du XVIe au XIXe siècle ».
   

20/10/11

"Droit et révolution. L'impact des réformes protestantes sur la tradition juridique occidentale" d'Harold J. Berman

Harold J. Berman, Droit et révolution. L'impact des réformes protestantes sur la tradition juridique occidentale, Paris, Fayard (Collection : Les Quarante piliers. Matériaux), 2011, 804 p. [ ISBN : 978-2-213-63559-0]

Présentation par l'éditeur. La Globalisation étant ce qu'elle est – un jeu dont les partenaires se multiplient –, il devient essentiel de prendre connaissance de la tradition euro-américaine dans son entier, afin de considérer sans fard ce que nous sommes, en dépassant les frontières de notre hexagone mental. En clair : le révélateur désormais le plus fiable de la culture occidentale, ce sont les montages juridiques analysés historiquement, agents toujours actifs d'une double tradition normative (catholique et protestante) aspirant au gouvernement planétaire.
Français, nous concevons mal que la notion de Révolution, étudiée par Harold J. Berman depuis son socle médiéval, puisse être associée à la passion évangélique de Luther et de Calvin. Le lecteur découvrira, à travers les réinterprétations combattantes de la Bible depuis le XVIe siècle, le poids insoupçonné du protestantisme dans la formation des espaces étatiques avec lesquels la France a rivalisé – l'Allemagne et l'Angleterre, notre Étranger proche. Ainsi se dévoilent des politiques fortement éloignées de notre héritage catholique refoulé. 
Le génie de Berman est celui des auteurs qui savent reprendre la main quand le questionnement social s'enlise, et ouvrir à la pensée le champ des interprétations stratégiques. Libre de ses mouvements, il saisit la généalogie des Révolutions (au sens européen du terme) depuis le Moyen Age pontifical jusqu'à l'ordre installé en Russie par Lénine, tout comme il fait une critique en règle du positivisme de Max Weber, qualifié si justement de « saint patron des théories sociales au XXe siècle ».
 Enfin, cette grande leçon : il n'est d'interdiscipline que pratiquée par soi-même. Sa précision comparatiste, Berman la doit à sa conception d'une histoire du droit capable de se nourrir de théologie, de réinvestir la problématique des liturgies, des productions musicales et poétiques... et de se souvenir de la Romanité byzantine (l'orthodoxie) méthodiquement chassée de nos mémoires. P.L.

18/10/11

"Droit et Moeurs. Implication et influence des moeurs dans la configuration du droit. Société d'Histoire du Droit, Journées de Jaén-Baeza" par M.-A. Chamocho Cantudo

Droit et Moeurs. Implication et influence des moeurs dans la configuration du droit, textes réunis par Miguel-Angel Chamocho Cantudo, Préface de Sophie Demare-Lafont, Société d'Histoire du Droit, Journées de Jaén-Baeza, Jaén, Universidad de Jaén, 2011

table des matières

bon de souscription

14/10/11

"Les sciences camérales. Activités pratiques et histoire des dispositifs publics", sous la direction de Pascale Laborier, Frédéric Audren, Paolo Napoli, Jakob Vogel

Les sciences camérales. Activités pratiques et histoire des dispositifs publics, sous la direction de Pascale Laborier, Frédéric Audren, Paolo Napoli, Jakob Vogel, PUF, 2011, 594 p.

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sommaire

"La belle époque des juristes. Enseigner le droit dans la République"

La belle époque des juristes. Enseigner le droit dans la République, par Frédéric Audren et Patrice Rolland, dans "Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle", n. 29, 2011

S’il existe un moment « mil neuf cent » dans le monde des juristes, il concerne au plus haut point celui des enseignants. Certes, la justice et le monde des avocats ont été secoués par l’affaire Dreyfus, mais leur pratique n’a pas été sensiblement modifiée sur le court terme : la magistrature a été épurée en 1883 et s’en tient à un rôle technique.
La période 1880-1914 est, au contraire, un moment de changements importants pour les facultés de Droit dans la République. Le monde des enseignants en droit est soumis à des demandes externes qui vont le conduire, volens nolens, à des adaptations et à des interrogations importantes à l’aube du xxe siècle. Dans une république soumise à la souveraineté nationale, le législateur devrait suffire à lui seul dans ce travail d’adaptation du droit. Le volontarisme législatif a néanmoins besoin de la doctrine et de l’enseignement pour acquérir profondeur, mise en ordre et systématicité. Le contenu et la forme de l’enseignement mais aussi l’esprit et la méthode du droit ne peuvent qu’en être affectés. Deux grands types de demande proviennent du monde extérieur vers les facultés de Droit. Mais, elles sont relayées aussi depuis l’intérieur à travers les œuvres de doctrines et les controverses.

Une demande sociale. Une société dont les besoins juridiques changent
L’activité législative de la République s’est manifestée par une modification du droit civil mais sans chercher à le bouleverser. La République a renoncé à réviser le Code civil au moment où le BGB allemand, en 1900, paraissait offrir tous les signes de la modernité juridique. Une partie de la doctrine avait tenté de lancer ce débat qui échoue avant 1914. Les adaptations se feront, donc, dans le détail et non par une révision globale, grâce à la réforme législative mais aussi par le moyen de la jurisprudence. Dans la dernière décennie du ­siècle, les réformes sont suffisamment nombreuses et impor­tantes pour contraindre les juristes à s’interroger non seulement sur le contenu du droit mais aussi sur leur façon d’enseigner et de préparer les étudiants à leur avenir professionnel. De nouvelles disciplines apparaissent appelant la création de nouveaux cours : la République crée le cours de droit constitutionnel dont les monarchies ou les régimes autoritaires n’avaient pas senti durablement l’utilité. Le dévelop­pement de la société industrielle et la question sociale développent de nouvelles interrogations : la responsabilité du fait des accidents du travail et les assurances sociales ; la législation industrielle, prélude du droit du travail. On s’interroge sur la fonction sociale de la propriété, sur la faute. Non seulement le contenu du droit est modifié mais les théories juridiques qui tentent de rationaliser le droit sont remises en cause. Des débats doctrinaux s’en prennent au principe de l’auto­nomie de la volonté pour tenir compte du recul de l’individualisme et de la montée des phénomènes collectifs dans la société industrielle.

Une demande politique. Une République qui s’affirme
En s’installant définitivement après 1880 et en cherchant à sortir de la « république quelconque » de 1875, la République ne pouvait s’affirmer dans le monde du droit qu’à travers un triple projet : immédiat par l’épuration de la magistrature et du Conseil d’État de ses membres peu républicains ; puis en fondant la République sur un droit public qui lui soit propre (le décret du 20 juillet 1882 crée le cours de droit constitutionnel) ; enfin en adaptant la formation à ce qui est nécessaire à d’authentiques citoyens républicains et à de futurs serviteurs de l’État. Les facultés de Droit ne pouvaient pas échapper à l’ardeur réformatrice de la jeune République. Les facultés de Droit, vouées à la formation des futurs avocats, magistrats et fonction­naires de l’État, devenaient un enjeu global. De proche en proche, de nombreux aspects fondamentaux de leur existence sont concernés : programmes des cours ; création de cours nouveaux ; recrutement des professeurs ; méthode d’enseignement mais aussi méthode de la recherche scientifique juridique. En fin de compte, c’est la conception traditionnelle du droit et de son enseignement qui est susceptible d’être mise en débat. Le rapport dont Adhémar Esmein, professeur républicain de la faculté de Droit de Paris, se charge en 1895 cristallise assez bien ces enjeux. Esmein soutient « un grand mouvement de rénovation » qui affecte la finalité des études et, par voie de conséquence, le contenu des programmes et les conditions de recrutement des professeurs. Après une enquête auprès des facultés de Droit, il s’agit de sectionner le concours d’agrégation en quatre domaines, assurant une spécialisation qui met fin à la domination du droit civil et libère de nouvelles spécialités (droit pénal et sciences criminelles, droit constitutionnel, économie politique). Cette réforme, apparemment purement technique, révèle des remises en cause bien plus larges et des divisions très profondes dans le monde des facultés de Droit, entre les tenants de la vieille École de droit strictement vouée à la formation des juristes à l’ombre du Palais de justice et privilégiant l’enseignement du droit civil et du droit romain, et les partisans d’une Université vouée aux sciences sociales dont le droit serait la discipline reine.

Quelles réponses universitaires : une crise de la pensée juridique ?
Après des décennies d’immobilisme, les facultés de Droit sont sommées de répondre aux défis lancés par l’affermissement de la République et au développement d’un État social à la française. Si certains professeurs de droit restent arc-boutés sur la vocation professionnelle de l’institution, nombreux sont les enseignants, souvent provinciaux, qui soutiennent une approche plus résolument savante de la formation et de la recherche juridique. De ce point de vue, le modèle universitaire allemand, auquel on impute non seulement une part de responsabilité dans la victoire en 1870 mais aussi la réussite du Code civil allemand, devient une référence incontournable pour tout un milieu de juristes réformateurs. Répondre à ces défis poli­tiques et sociaux fin de siècle, c’est, pour ces professeurs, faire entrer le droit dans un nouvel âge scientifique. En premier lieu, face à la concurrence de nouvelles institutions d’enseignement supérieur, à commencer par l’École libre des sciences politiques ou le Collège libre des sciences sociales, les facultés de Droit s’ouvrent à de nou­velles disciplines (tout particulièrement, les disciplines sociales et économiques) pour offrir une formation adaptée aux élites administratives et politiques du pays. Ensuite, plutôt que de s’enfermer derrière les murs de sa faculté en se contentant d’une exégèse sans fin du droit en vigueur, les professeurs s’efforcent de promouvoir des méthodes comparatistes et sociologiques susceptibles de mettre le système juridique en conformité avec les évolutions de la société française. On ne s’étonne donc pas de découvrir que certaines facultés de Droit, en dépit de résistances, sont, à cette époque, des vecteurs importants de la diffusion de la sociologie naissante, qu’elle soit durkheimienne, leplaysienne ou tardienne. Incontestablement, la nouvelle donne politique et sociale a contribué, d’une manière inédite, au renouvellement de la pensée juridique française.
La modernisation du droit passe par celle des méthodes juridiques. Mais, loin de renforcer la neutralité politique des professeurs de droit, ce combat pour la méthode exacerbe certaines luttes partisanes. Les partisans du droit individuel dénoncent le danger socialiste impliqué par la promotion du droit collectif ; les défenseurs d’une conception subjective du droit pointent, quant à eux, les menaces que l’objectivisme ferait porter sur la République elle-même. Quoique d’une manière parfois discrète, les bruits des batailles politiques résonnent souvent entre les murs des Facultés. Autour de 1900, les professeurs de droit, majoritairement conservateurs et catholiques, tentent d’oppo­ser au parlementarisme, au socialisme et à l’anticléricalisme des doctrines juridiques capables de contenir aussi bien les excès des passions humaines que l’expansion des revendications sociales. Grâce à leur expertise et leur savoir, ils contribuent, non sans ambiguïté et arrière-pensées, à l’enracinement d’un l’État de droit républicain et s’imposent comme des acteurs essentiels de la réforme sociale à la Belle Époque. Les liens entre la Faculté de Droit et la Cité sont plus forts de jamais. Ce n’est donc pas sans raison que le tournant 1900 peut être perçu comme un âge d’or des professeurs de droit.

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ouverture de F. Audren et P. Rolland

13/10/11

"Le Parlement de Bordeaux et la Loi (1451-1547)" d'Elise Frêlon

Elise Frêlon, Le Parlement de Bordeaux et la Loi (1451-1547), Paris, De Boccard, 2011, IX-738 p.


Érigé par Charles VII au lendemain de la reconquête du duché de Guyenne, le Parlement de Bordeaux est le troisième au royaume de France après ceux de Paris et de Toulouse. D’étroits rapports unissent aussitôt le monarque à ses officiers pour une collaboration qui dure au moins jusqu’au règne d’Henri II. Juges avant tout, ces hauts magistrats s’imposent aussi comme de solides administrateurs tout au long de la période 1451-1547, ce qui les place dans une situation souvent ambiguë par rapport à la « loi ». Dépositaires comme tous les parlementaires du royaume du pouvoir d’appliquer la norme royale, ils s’en font un devoir. En même temps, très sensibles comme leurs collègues parisiens au principe de gouvernement par conseil, présidents et conseillers bordelais attachent grand prix à participer à l’élaboration de la norme royale dont ils deviennent en partie les auteurs. Soit que le monarque les sollicite directement, soit qu’il accède à leurs remontrances ordinaires ou à leurs requêtes. Ils en sont également les correcteurs, par le biais de remontrances d’une autre nature et par le jeu subtil des modifications qu’ils parviennent souvent à imposer au pouvoir. Enfin, pour venir au secours du prince dans le ressort de son parlement, ou pour répondre dans l’urgence aux attentes pressantes de leurs justiciables, ils assument volontiers la fonction de législateur provincial. En dépit de cette volonté affirmée d’autonomie normative et de gestion directe des affaires provinciales, les magistrats du parlement de Guyenne ne se départissent jamais de leur fonction cardinale de gardiens de la « loi ». Aussi bien que tout autre parlement, ils savent conserver soigneusement les lettres royaux qu’ils ne se limitent pas à sèchement archiver. Avant leur enregistrement, ils les soumettent à une minutieuse vérification de forme et de fond. Puis vient le temps de leur publication, opération dont le succès est gage d’une application réussie, comme il l’est aussi pour les normes qu’ils édictent en direction de la province et qu’ils portent, dans des conditions similaires, à la connaissance de leurs justiciables. Si bien que distinguer les prescriptions du roi de celles de ses représentants devient chaque jour plus difficile en raison de l’affirmation toujours plus vive d’un pouvoir règlementaire autonome du parlement bordelais.

10/10/11

"La banqueroute de l'Etat royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française" de Marie-Laure Legay

Marie-Laure Legay, La banqueroute de l'Etat royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2011, 324 p. [ISBN : 978-2-7132-2292-4]

Présentation par l'éditeur. Quelles sont les origines financières de la Révolution française ? 
Partant des atouts de la gestion publique en France et notamment des outils mis en oeuvre au temps de Colbert, Marie-Laure Legay montre comment ces outils se sont révélés inaptes à encadrer l'affairisme installé au coeur de l'État. En insistant sur les rapports sociopolitiques qui lient l'administration monarchique à ses intermédiaires financiers, l'auteur éclaire d'un jour nouveau les paradoxes d'une gestion organisée à partir de recettes centralisées et de dépenses insuffisamment contrôlées, paradoxes sur lesquels les réformes du XVIIIe siècle ne revinrent pas. L'une des faiblesses majeures de l'État royal se dévoile ainsi au lecteur : la défaillance de son contrôle financier, c'est-à-dire du contrôle de l'État sur lui-même.
Les aménagements techniques de la seconde moitié du siècle se révélèrent trop tardifs et les réformes politiques, de Laverdy à Necker, bien trop frileuses pour satisfaire une opinion qui réclamait des comptes. 

06/10/11

"Style du Parlement de Paris" de Guillaume Du Breuil (réimpr.)

Guillaume Du Breuil, Style du Parlement de Paris, Préface de Gérard Giordanengo, Paris, Dalloz (Bibliothèque Dalloz), 2011, 258 p. [ISBN : 978-2-247-10661-5]



« La réédition du Stylus Curie Parlamenti de l'avocat Guillaume du Breuil se justifie par le renouveau de l'intérêt porté à la justice ces dernières années et surtout par l'attention nouvelle, du moins chez les historiens, envers les mécanismes judiciaires qui conditionnent l'utilisation de documents nombreux et prolixes mais souvent assez difficiles d'accès. On n'ira pas jusqu'à assurer que la lecture du Style de Guillaume permettra de comprendre d'emblée les arcanes de la procédure du Parlement de Paris et, partant, les registres divers des archives de cette cour renommée, mais ce peut être une sorte de préalable. » Gérard Giordanengo

02/10/11

L'espace public au Moyen Age" dir. par Patrick Boucheron et Nicolas Offenstadt

L'espace public au Moyen Age. Débats autour de Jürgen Habermas, sous la direction de Patrick Boucheron et Nicolas Offenstadt, Paris, Presses Universitaires de France - P.U.F. (Collection : Le noeud gordien), 2011, 370 p. [ISBN: 978-2-13-057357-9]

Présentation par l'éditeur
L'histoire du Moyen Âge n'est pas seulement celle de la domination : on échange, on débat, on critique, on proteste. Mais s'agit-il pour autant d'un espace public au sens que le philosophe allemand Jürgen Habermas a donné à ce terme ? Telle est la question que posent les différentes contributions rassemblées dans ce livre, proposant d'abord une réflexion sur les intentions et les implications de la théorie habermassienne, explorant notamment les usages qu'en firent historiens et spécialistes des sciences sociales. Mais c'est à l'enquête empirique qu'il appartient de définir les lieux et les moments, les formes et les acteurs de cet échange politique au Moyen Âge, de la place publique à la cour du roi en passant par l'université et les conseils de ville. A travers différentes études de cas, les auteurs tentent ainsi de saisir la manière dont se déploie une sphère où les hommes du Moyen lige ont pu éprouver un usage politique de la raison.

"Histoire des juristes et de l'enseignement du droit" séminaire ENC/ENS 14 oct. '11

Séminaire Ecole Nationale des Chartes/Ecole Normale Supérieure
sous la responsabilité de Patrick Arabeyre et Jean-Louis Halpérin
"Histoire des juristes et de l’enseignement du droit"
à partir du 14 octobre 2011 - un vendredi sur deux à 10h30

14 octobre 2011 [site Jourdan] – Arnaud PATURET (chargé de recherche CNRS), Les juristes et les dieux dans l’ancienne Rome.
28 octobre 2011 [site Jourdan] – Arnaud PATURET (CNRS), L’institution juridique de la division des sexes et l’intersexualité du droit romain au droit contemporain.
18 novembre 2011 [site Jourdan] – Arnaud PATURET (CNRS), La place du droit public chez les juristes romains